A la conquête du XIXème siècle

La création des grands magasins

Les Frères Videau créent le premier Bon marché en 1838, Aristide Boucicaut s’associe avec eux en 1852 pour créer le premier Grand Magasin. Ces nouveaux commerces attirent une clientèle féminine urbaine et lui proposent des articles à des prix abordables et variés et surtout à un tarif fixe alors que sur les marchés ou en vente directe le prix faisait l'objet de négociation. La clientèle peut choisir et payer en proportion de ses possibilités,sans mauvaises surprises, ce qui va renforcer la demande et stimuler l’offre. 

Emile Zola décrit ce nouveau phénomène dans «Au bonheur des Dames», publié en 1882 :

"Depuis un instant, Mme Marty, très excitée par la conversation, retournait fiévreusement son sac de cuir rouge sur ses genoux. Elle n’avait pas encore montré ses achats, elle brûlait de les étaler, dans une sorte de besoin sensuel. Et, brusquement, elle oublia son mari, elle ouvrit le sac, sortit quelques mètres d’une étroite dentelle roulée autour d’un carton.

-C’est une valenciennes pour ma fille, dit-elle. Elle a trois centimètres, elle est délicieuse, n’est-ce pas ?...Un franc quatre-vingt-dix.

La dentelle passa de main en main. Ces dames se récriaient. Mouret affirma qu’il vendait ces petites garnitures au prix de fabrique. Pourtant Mme Marty avait refermé le sac, comme pour y cacher des choses qu’on ne montre pas. Mais, devant le succès de la valenciennes, elle ne put résister à l’envie d’en tirer encore un mouchoir.

-Il y avait aussi ce mouchoir…De l’application de Bruxelles, ma chère… Oh ! une trouvaille ! Vingt francs !

Et, dès lors, le sac devint inépuisable. Elle rougissait de plaisir, une pudeur de femme qui se déshabille la rendait charmante et embarrassée à chaque article nouveau qu’elle sortait. C’était une cravate en blonde espagnole de trente francs : elle n’en voulait pas, mais le commis lui avait juré qu’elle tenait la dernière et qu’on allait les augmenter. C’était une voilette en chantilly : un peu chère, cinquante francs ; si elle ne la portait pas, elle en ferait quelque chose pour sa fille.

-Mon Dieu ! Les dentelles, c’est si joli ! répétait-elle avec un sourire nerveux. Moi, quand je suis là-dedans, j’achèterais le magasin.

-Et ceci ? lui demanda Mme de Boves en examinant un coupon de guipure.

-ça, répondit-elle, c’est un entre-deux… Il y en a vingt-six mètres. Un franc le mètre, comprenez-vous !

-Tiens ! dit Mme Bourdelais surprise, que voulez-vous donc en faire ?

-Ma foi, je ne sais pas…Mais elle était si drôle de dessin !

A ce moment, comme elle levait les yeux, elle aperçut en face d’elle son mari terrifié. Il avait blêmi davantage. Toute sa personne exprimait l’angoisse résignée d’un pauvre homme qui assiste à la débâcle de ses appointements, si chèrement gagnés. Chaque nouveau bout de dentelle était pour lui un désastre, d’amères journées de professorat englouties, des courses au cachet dans la boue dévorées, l’effort continu de sa vie aboutissant à une gêne secrète, à l’enfer d’un ménage nécessiteux. Devant l’effarement croissant de son regard, elle voulut rattraper le mouchoir, la voilette, la cravate ; et elle promenait ses mains fiévreuses, elle répétait avec des rires gênés :

-Vous allez me faire gronder par mon mari… Je t’assure, mon ami, que  j’ai été encore très raisonnable ; car il y avait une grande pointe de cinq cents francs, oh ! Merveilleuse !

-Pourquoi ne l’avez-vous pas achetée ? dit tranquillement Mme Guibal. M Marty est le plus galant des hommes.

Le professeur dut s’incliner, en déclarant que sa femme était bien libre. Mais, à l’idée du danger de cette grande pointe, un froid de glace lui avait coulé dans le dos ; et, comme Mouret affirmait justement que les nouveaux magasins augmentaient le bien-être des ménages de la bourgeoisie moyenne, il lui lança un terrible regard, l’éclair de haine d’un timide qui n’ose étrangler les gens.

D’ailleurs, ces dames n’avaient pas lâché les dentelles. Elles s’en grisaient. Les pièces se déroulaient, allaient et revenaient de l’une à l’autre, les rapprochant encore, les liant de fils légers. C’était, sur leurs genoux, la caresse d’un tissu miraculeux de finesse, où leurs mains coupables s’attardaient."

L'image suivante est extraite du numéro de Noël 1912 de LA VIE HEUREUSE,
Elle fait la publicité pour  LA GRANDE MAISON DE DENTELLES - 16 Rue Halévy à Paris -
"Où la Parisienne trouve les plus jolies dentelles employées par la Grande Couture".
Maison de dentelles 1

 

L'apparition des costumes régionaux

Suite à la suppression des lois somptuaires sous la Révolution, lesquelles réservaient l'apparat aux classes aisées, les manants et surtout leurs épouses manifestèrent leur désir d'échapper à leur condition. Ceci se fit au travers des costumes régionaux. Jusqu'alors paysans, pêcheurs, ouvriers étaient vêtus sans originalité, parfois sommairement. On se fit un devoir de paraître dignement dans les grandes occasions et notamment le dimanche à l'Eglise ou pour se rendre à la foire. 

Les enfants étaient vêtus sommairement comme leurs parents d’autant qu’ils travaillaient souvent avec eux à la ferme.

Dans de nombreuses provinces, l'identité régionale se manifesta au travers du choix des étoffes, parfois richement brodées et des dentelles produites localement. Prenons en exemple la Bretagne et la Normandie où apparurent quantité de tenues et de coiffes.

Coiffes Bretagne

En Normandie

Coiffes Normandie

Les dentelles à l'aiguille d'Alençon et d'Argentan font merveille :

Cpa Alencon Argentan

Collet et bonnet alençonnais

Bonnet alenconnais

 

 

 

 

 

Coiffe de Bayeux, dentelle à l'aiguille

Coiffe de Bayeux

En Limousin

Cpa barbichet

Le soleil de la Côte d'Opale

La dentelle mécanique accessible à un prix abordable a été aussi largement utilisée, surtout dans les régions qui avait peu de tradition dentellière.

Le soleil, coiffe de la Côte d'Opale (Calais - Boulogne SMer) est très souvent bordé d'une Valenciennes mécanique Leavers.

Matelotes 1

La création d'une mode enfantine

Jusqu'au milieu du XIXème siècle on ne s'attachait pas trop aux petits enfants en raison de la fréquente mortalité infantile laquelle a fortement diminué ensuite grâce à l'amélioration de l'habitat, de l'hygène et de la profilaxie.

En s'intéressant davantage au développement et au bien-être de l'enfant, une industrie du jouet s'est créée, surtout en Allemagne et en France. Les poupées étaient jusqu'alors soient des répliques de silhouettes féminines ou des "poupards" taillés dans le bois

La maison JUMEAU produisit la poupée dite "bébé JUMEAU triste" à partir de 1870; (on attribue au célèbre sculpteur Ernest Carrier-Belleuse le visage de cette poupée d'après un portrait d'Henri IV à l'âge de 4 ans). Le bébé JUMEAU suivant a connu un succès international après avoir reçu une médaille d'or lors de l'Exposition universelle de Paris en 1878.

Madame Jumeau habillait avec goût et originalité les bébés créés par son époux, ce qui engendra une mode enfantine jusqu'alors inexistante. Par la suite la dentelle mécanique et surtout l'article valenciennes furent beaucoup employés dans la layette.

La poupée Bébé avait aussi une fonction pédagogique dans l'éducation de la fillette destinée à être mère. La petite maman devait apprendre à habiller sa fille, on édita des revues comportant des modèles et des patrons permettant de réaliser des toilettes pour les poupées : La Poupée modèle, La semaine de Suzette (1905), les petites dentelles mécaniques y trouvaient un emploi charmant.

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 28/01/2022

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