La dentelle aux fuseaux
C’est un tissu formé en croisant et tressant des fils enroulés d’un bout sur des fuseaux et fixés de l’autre bout sur un coussin par des épingles.
Les fuseaux, nommés aussi bloquets, s’appellent en italien fuselli ou piombini, ce qui semblerait dire qu’ils ont été formés d’abord de petits lingots de plomb. Comme on les a faits en os et en ivoire, les italiens les ont encore nommés ossi et les anglais bones. Mais on dit le plus souvent bobins : ce sont en effet, de petites bobines prolongées d’un manche pour les manier plus facilement.
Quelquefois, pour protéger le fil contre la poussière et le frottement des fuseaux voisins, on entoure la partie qui constitue la bobine d’une mince feuille de corne servant de fourreau assez large pour ne pas gêner le passage du fil : c’est ce qu’on appelle des noquettes en Normandie ou binettes au Puy-en-Velay.
Les passements
Le nom de passement donné aux premières dentelles aux fuseaux leur vint de ce que cette industrie était comprise dans la corporation des passementiers, lesquels avaient seuls le droit, selon leurs statuts « de faire toutes sortes de passements de dentelles sur l’oreiller, aux fuseaux ou aux épingles et à la main, d’or, d’argent, tant fin que faux, de soie, de fil blanc et de couleur ». Ainsi donc passement et dentelle sont une même chose à l’origine pour désigner la dentelle aux fuseaux.
En Espagne, les étoffes qui sortaient des hôtels de Tiraz étaient si appréciées qu’on les garnît de passements de soie, d’or et d’argent, ceux-ci portèrent le nom de Point d’Espagne. Ce n’était pas la finesse qui était recherchée mais un effet de clinquant et de relief.
En Belgique et en Hollande, ce ne furent ni la soie, ni l’or, ni l’argent qu’on travailla, mais le lin le plus fin. On y tissait les plus beaux draps et linges du monde. Avec les mêmes fils on put élaborer de très fines dentelles pour garnir les larges cols et les manches de toile que nous voyons dans les beaux portraits flamands de l’époque.
Gant réalisé aux fuseaux, la paume et le dessous des doigts sont faits au crochet
Les guipures
Les passementiers emploient souvent le cordonnet-guipure. Dans le travail aux fuseaux ce cordonnet, par sa raideur, ne se prête qu’à l’exécution de passements largement percés. De là vient qu’il fait donner le nom de guipure à toute dentelle dont les fonds sont larges et irréguliers, par opposition, on le verra plus tard aux fonds réseau.
Vers 1865, fut créé un nouveau style, dit guipure Cluny, en soie noire. Ces passements se caractérisent par les rosaces de points d’esprit. Leur réalisation est d’une complexité particulière parce que le réseau n’est pas continu, s’y substitue une savante variété de jours et de motifs plus ou moins denses.
Les dentelles de guerre
Les dentelles de guerre ont été fabriquées dans le contexte très particulier de la Commission for Relief Belgium (CRB) mise sur pied par Herbert Hoover (futur président des USA 1929-1933) depuis Londres afin de négocier avec l'Angleterre et l'Allemagne la possibilité de ravitaillement de la Belgique occupée pendant la Première Guerre mondiale. Ces négociations touchaient également le fil, matière première des dentellières, et les dentelles fabriquées avec celui-ci. Des commandes et des livraisons de ces dentelles de guerre étaient organisées via le bureau du CBR à Londres. De nombreux acheteurs dans les pays alliés se montrèrent généreux et achetèrent ces dentelles afin de soutenir les Belges. Énormément de ces pièces se retrouvent aujourd'hui dans les collections américaines où elles font l'objet d'étude comme c’est le cas au Smithsonian Museum, Washington.
Louise Liénaux-Vergauwe (1890-1974), professeur à l'école professionnelle d'Anvers, réalisa six dentelles engagées entre 1915 et 1919, toutes aux fuseaux. Véritables tableaux à la composition originale et percutante, elles se différencient des nombreuses pièces patriotiques que l'on voit habituellement dans les collections publiques et qui prennent la forme traditionnelle de la nappe ou du napperon. L'effet de réalisme dans le rendu des ombres et du relief rappelle la technique de la gravure et place ses œuvres à l'origine de la dentelle contemporaine.
Dans La Prédiction, sur des lignes de fond qui suggèrent la carte des pays belligérants, l’artiste détourne la devise de l’Allemagne Deutschland über alles par Deutschland onder alles. L’aigle allemand est terrassé par le lion belge, l’ours russe, le coq français et le bulldog ou la licorne anglais. Source : Gauthier C., Chambre des dentelles IV, livret d’exposition, Musée Mode & Dentelle, Bruxelles, Bruxelles, 2023, n. 40.Date de dernière mise à jour : 21/01/2024
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